Lorsque l’on m’a proposé de témoigner de m’on expérience d’adoptante de chiens sauvés par l’association WOF, j’ai tout de suite accepté, parce que sauver les animaux, et plus particulièrement les chiens « cassés par la vie » et dont personne ne veut et au centre de ma vie depuis 11 ans.
J’ai donc commencé à écrire un texte…Que j’ai vite trouvé trop factuel : il présentait la manière dont j’avais découvert l’association – grâce à deux amies qui avaient elles-mêmes adopté des chiens via l’association WOF –, mes hésitations, mes craintes, mes découvertes. Et puis, j’ai tout effacé. J’ai repris à zéro pour vous présenter mes trois roumains. Mes trois chiens aux profils si singuliers : Bear, William et Topaze. Ou plutôt Teddy, Flocon et Topaze.
Teddy, ... alias TeddyLou / Morfalou de roumenou / Affreux charpardeur / Mon chien
[Nommé Bear en Roumanie]
« Bear », de son nom de sa vie d’avant, là-bas en Roumanie.
De ton passé, TeddyLou, je n’ai jamais su grand-chose, comme c’est bien souvent le cas pour tous les chiens que nous adoptons de là-bas. Tu n’étais pas mon premier panier retraite, mais tu as été mon premier sauvetage d’un chien roumain. J’avais dit que je ne sauverais jamais un chien d’ailleurs que de Belgique, comme tous les autres chiens de ma vie. Je n’avais pas prévu qu’une photo et une vidéo me transpercent le cœur à des milliers de kilomètres. Tu avais environ 10 ans. Tu étais condamné à ne pas survivre à l’hiver dans ton enclos en Roumanie car tes copains d’infortune t’attaquaient, toi qui étais le roi de ton enclos, plus jeune. Malgré de nombreux partages, personne n’avait fait de demande d’adoption qui convenait à ton profil. Alors en octobre 2020, tu as atterri chez moi. Qu’est-ce que j’ai été angoissée en venant te chercher ! J’avais beau avoir passé la prévisite avec succès pour t’accueillir, mille questions fusaient alors qu’on approchait de Marolles : allais-je être à la hauteur ? Allais-je être capable de t’aider à dépasser tes traumas ? Allais-tu être bien accueilli par la meute à la maison ? Et si tu ne t’acclimatais pas ? Et si tu étais fugueur ? Agressif ? Destructeur ? J’ai déjà connu tous ces profils de chiens par le passé, mais voilà, nous roulions vers l’inconnu et c’était une angoisse sans nom. Et puis ils étaient belges, ces chiens-là, ils parlaient la même langue que moi. Oui, on oublie que le langage canin est ailleurs, quand on est stressé. Un est un peu bête, quand on est stressé.
Merci Isabelle, ma copilote du jour-J, pour sa grande patience à mon égard, d’ailleurs. Et puis il y a eu la descente du camion. Et on n’oublie toutes nos craintes en une fraction de seconde tant votre panique est palpable. Notre rôle de guide protecteur prend immédiatement le pas sur celui de maître flippé.
C’est parti pour votre nouvelle vie ! À ma grande surprise, tu t’es senti comme un poisson dans l’eau en deux jours, mon Teddy, et la meute t’a accueilli dans le plus grand respect.
Si je devais te résumer, Teddy, ce serait…des heures de brossage pour t’éplucher de ton poil d’hiver, tes poils partout et tout le temps dans la maison – mon aspirateur te maudit encore. Il a rendu l’âme, depuis, d’ailleurs –, des doudouces et grattouilles sous le menton, des petits coups de tête quand tu n’en avais pas reçu assez à ton goût, de magnifiques mélodies de Croisé Siberian Husky agrémentées de petits sautillements quand je n’étais pas assez rapide pour préparer ta gamelle ou te mettre ta laisse, des promenades en compagnie de Mozart, un regard pétillant dès que tu apercevais un peu de nourriture que tu espérais pouvoir quémander ou chaparder – ah pour ça, tu n’étais plus vieux et tu n’avais plus mal partout, hein ! Crapule, va.
Notre histoire aurait pu être longue et magnifique, mais elle n’a été que magnifique. Le cancer qui rongeait Teddy depuis de longs mois en a décidé autrement.
133 jours. L’Univers nous aura offert 133 jours. Mais quels jours ! On ne pouvait plus rien faire. Sa tumeur prenait la moitié de son abdomen et était vascularisée de partout. L’opérer, c’était le condamner. Le vétérinaire était même surpris qu’il soit encore de ce monde. Oui mais ça, c’était en oubliant la mission de mon Roumain philosophe : m’apprendre à ne rien regretter et à mordre la vie à pleines dents. Alors, quitte à ne plus pouvoir rien faire face à l’inéluctable, on a fait ce qu’on savait faire de mieux : on s’est aimés très très fort. Teddy a profité d’un énorme coussin, de bonne nourriture fait maison, de promenades dans la campagne, il a découvert la mer du Nord (quelle horreur, c’est salé, ce truc !), il a ronflé comme un camionneur, il a apprécié de vivre entouré de copains chiens. Et puis il s’est éteint sereinement, entouré d’amour, après s’être empiffré d’un hamburger et de frites, en bon chien belge qu’il était devenu !
De mon étoile filante, je retiendrai deux choses : d’abord, l’énorme résilience dont font preuve les chiens qui réussissent, malgré un passé horrible – il avait, autour du cou, la cicatrice d’une chaîne qui avait dû s’incruster dans sa peau, il a dû divaguer, être attrapé par les dogcatchers et ensuite survivre dans une fourrière où cohabitent plus d’un millier de chiens. Malgré cela, ces loulous arrivent encore profiter à fond des tout petits bonheurs du quotidien. Ensuite, je retiendrai que sur cette terre, nous n’avons rien d’autre à faire que de nous aimer et de bouffer la vie à pleine dents. Chaque instant vaut la peine d’être vécu sans se soucier excessivement des drames qui planent au-dessus de nos têtes. Merci, mon roumain philosophe, pour cette belle et inestimable leçon de vie.
Autant vous dire que la disparition de Teddy m’a anéantie. Je m’étais promis de ne plus réadopter de chien de sitôt. Sachant qu’en plus, ils étaient encore 5 à la maison.
Et puis…En mai 2021, je tombe sur une annonce de l’association qui a 2 sauvetages urgentissimes à faire. Et ces regards…. Bon ben j’ai craqué et j’ai adopté Topaze et Flocon.
Ah mes deux vieilles misères… Et le mot est faible. Ils sont arrivés, leurs petits corps déjà en bout de course, du haut de leurs 13 et 14 ans. Pour être très honnête, le lendemain de leur adoption, entre Flocon qui ne se levait pas et Topaze qui était complètement aveugle et restait donc également prostrée, je me suis dit que j’avais commis une énorme erreur en les adoptant. J’ai vraiment cru que je ne serais pas à la hauteur. Puis je me suis assise, entourée de mes autres 5 vioks en forme, eux (le plus jeune de mes chiens a 7 ans). Ressourcée de leurs énergies positives et de voir à quel point eux aussi étaient devenus magnifiques à force des bons soins que je leur prodiguais, je me suis ressaisie. Topaze et Flocon : défi accepté ! Je les avais adoptés, c’était pour les assumer jusqu’au bout, quelles que soient les embûches.
Alors d’abord, laissez-moi vous présenter Flocon.
Flocon, ... alias Flocon le Ronchon, Flocounet ... FlicFlok / FlikkiFlokkou
[Nommé Wiliam en Roumanie]
A ton arrivée, tu ne te levais même plus. Tu étais résigné à ce que la fin arrive, tant physiquement que mentalement. Tu étais au bout, éteint…Tu n’attendais plus rien de la vie, ni des humains, parce que les traumas de l’esprit et du cœur sont parfois bien pires que ceux du corps. J’ai pris à cœur de commencer à soigner ton petit corps en te choyant sans forcer le contact avec toi. Fort heureusement, tu t’es vite aperçu que la vie à la maison, ce n’était pas si mal au fond : on y sert de bons petits plats, on agrémente les croquettes de fromage râpé quand tu ne manges pas bien...
Et didonc, il y avait même une humaine qui avait l’air digne de confiance, pour une fois. Ô je n’oublie pas que tu as essayé de me mordre de nombreuses fois, parce que tu avais mal ou peur...ou juste pas envie. Caractère de cochon, va ! Mais c’est sûrement ce tempérament qui t’a permis de survivre aussi longtemps. Alors comment t’en vouloir ? Et puis j’ai mon arme secrète infaillible : la patience.
Petit à petit, petite victoire après petite victoire, tu as fini par m’adopter. Tu te plaisais même à déposer ta tête dans ma main pour dormir…Et à me gratifier d’une léchouille de temps en temps. Quel honneur tu m’as fait là, mon Ronchon. Et ce regard apaisé que tu posais sur moi…Si tu savais comme il remplit encore mon cœur de douceur et de chaleur. On a la petite satisfaction de se sentir comme un être exceptionnel, quand un sale caractère nous apprécie, non ? Je suis sûre que certains maîtres me comprendront très bien, héhé !
On ne peut pas en dire autant des autres chiens. Toi, ce que tu aimais à la maison, c’était : moi, et avoir la paix...Ah…Et manger, aussi ! En revanche, hors de question que les autres copains t’approchent ou approchent vaguement de ta gamelle et de ton panier. 13 ans, épuisé, mais encore capable de faire de la protection de ressources et de mener tout le monde à la baguette, en prime ! Ah…mon vieux Ronchon !
Ton petit corps était vraiment très meurtri. Tu as adoré les massages bien-être prodigués par ta soigneuse attitrée, tu as détesté les visites mensuelles chez le vétérinaire pour recevoir les piqûres qui pourtant soulageaient ton corps endolori, tu as failli me faire perdre un doigt à chaque friandise que je te donnais, tu m’as obligée à nettoyer la maison 20 fois par jour parce que tu es devenu peu à peu incontinent, tu as dormi de longs moments au soleil, paisible, ou sur l’un des coussins de la maison. Oui oui, parce qu’en plus tu te les es appropriés les uns après les autres, au gré de tes envies. Ah Flocon… Mon vieil acariâtre d’amour ! Vivre choyé aura permis à ton petit corps de décliner en douceur, jusqu’à s’éteindre 128 jours plus tard, en cette fin du mois de septembre 2021.
De ton passage dans ma vie, je retiens que la douceur, la patience, l’amour et le respect de son chien en tant qu’individu sont la clé d’une confiance mutuelle et d’une relation harmonieuse, tout passé horrible que notre chien a pu connaître et à condition d’accepter que notre chien est parfait tel qu’il est, en étant imparfait. Je me console en me disant que ce si court laps de temps passé ensemble t’aura permis de savoir ce que c’est que d’être aimé et choyé et que tu as pu partir serein.
Il me reste à vous présenter Topaze.
Topaze, ... ma Papazette d'amour, ma jolie Toutoune si précieuse, ma vieille hirsute alias "le petit miracle"
[Nommée Carmela en Roumanie]
Quand tu es arrivée, ma Topaze, on ne va pas se mentir, tu étais loin d’être en grande forme. Rien d’anormal en soi, je savais que j’adoptais une vieille mamy de 14 ans et complètement aveugle. Mais tu faisais peine à voir, parce que tu étais complètement désorientée. Et plus, entre le stress du voyage et la tentative de passage à l’alimentation ménagère, tu as été bien dérangée. Donc me v’là cantonnée à te donner des croquettes trempées dans l’eau chaude et agrémentées d’un tout petit peu de viande – ne boudons pas notre plaisir, quand même.
Que dire ? Mais quelle goinfre ! Longtemps tu as mangé 3 repas complets par jour ! Bon.
Maintenant, comme tu vieillis inexorablement et que tu as compris que tu étais chez toi à la maison et que tu resterais pour toute ta vie ici, tu manges plus raisonnablement, mais avec toujours autant d’appétit. Cela fait plaisir à voir !
Et pourtant, on ne misait un franc sur toi, tu sais ? Au premier checkup chez le vétérinaire, début juin 2021, on a détecté pas moins de 3 tumeurs dans ton petit corps de vieille chose. Alors autant te dire que je m’étais préparée à te perdre très rapidement… Ben ma cocotte, regarde, j’écris ces mots le 11 mars 2022, et tu es toujours à mes côtés ! Chaque jour gagné est une bénédiction pour toi et pour mon petit cœur qui se réchauffe à l’idée de savoir que tu peux savourer une vraie vie de chien après avoir connu 14 ans de galère.
Tu as passé un bel été à profiter du jardin et du soleil. Mais depuis que l’automne est là, tu ne sors plus que pour faire tes besoins. Tu passes le plus clair de ton temps à ronfler sur une carpette – parce que tu as décrété que les coussins, c’est pour les chochottes ! –, toujours bien emmitouflée dans ton petit pull de Noël. Tu te réveilles de temps en temps pour boire un petit coup ou profiter d’une friandise et /ou de ta gamelle. Sinon, tu passes littéralement le plus clair de ton temps à dormir. Malgré tout, j’ai l’impression que tu apprécies ta petite vie sereine à nos côtés. Et qu’est-ce que tu es douce et gentille. Dès les premiers jours tu as déposé ta vie et ta confiance dans mes mains, sans jamais douter de moi. Merci de tout cœur pour cela, ma Topaze. Sans savoir ce que l’avenir nous réserve, mais en repensant aux apprentissages d’un vieux chien philosophe débarqué dans ma vie depuis la Roumanie, je te promets que nous allons juste profiter au jour le jour de notre vie ensemble.
De tout cœur, merci à l’association de m’avoir accordé leur confiance et de m’avoir permis de faire la connaissance de ces chiens magnifiques !
Et puis je terminerais sur ceci : il y a des frais vétérinaires dont il faut avoir conscience, on les perd plus vite et donc on souffre… Mais ce qui reste gravé dans notre cœur, finalement, c’est le bonheur sans commune mesure partagé au jour le jour. Alors : adoptez des vieux loulous !
Emmanuelle
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